3.1. La formation physique et psychologique
Il existe un idéal d’homme vers lequel il faut tendre en forgeant l’enfant et le jeune homme. L’initiation est la voie appropriée pour forger l’aspect physique qui est très déterminant chez les Bwaba. Au regard des travaux champêtres pénibles, principale activité de ce peuple, il a fallu créer des mécanismes pour mettre en exergue l’aspect physique, ce à quoi devrait ressembler le nouveau initié. Ce dernier doit symboliser la bravoure, se reconnaître par la forme et la taille. Ainsi Kani BICABA affirme « la stature détermine la virilité et le comportement de l’individu »[1]. C’est dans cette optique que les Yenissa dans Crépuscule des temps anciens ont fait subir les épreuves physiques les plus atroces aux candidats à l’initiation : « on les obligeait à grimper aux arbres, parfois à reculons ». Eprouver donc physiquement un non-initié doit lui permettre d’avoir un corps d’agriculteur puissant et de guerrier rapide et habile. Les épreuves physiques cultivent en eux la prudence, le courage, l’endurance et la résistance à la souffrance, la maîtrise de soi.
3.2. La formation morale et intellectuelle
La société initiatique est un monde hermétique qui agit fortement sur tous les domaines de la vie de la communauté. C’est un monde de secrets et de mythes. C’est au cours de la cérémonie d’initiation que l’on apprend aux non-initiés les valeurs fondamentales de la société. L’initiation permet d’acquérir le savoir, le savoir-faire, le savoir-être pour une vie communautaire paisible. Ainsi, elle participe à la perpétuation de la tradition en amenant les« ignorants » à comprendre et à respecter les lois et les coutumes de la communauté. Cela se traduit par les enseignements que reçoivent les bruwa au camp d’initiation : apprentissage du langage sacré liés au do et aux masques, des mythes, des proverbes, des connaissances relatives à l’environnement (végétation, animaux,) à la pharmacopée, etc. Au cours de l’initiation les bruwa reçoivent des noms d’initiés qui sont gardés secrets par les Yenissa et eux-mêmes. Ces noms, selon M. Kani BICABA sont porteurs de signification et véhiculent des valeurs morales (l’honnêteté, la dignité, la bravoure, le respect, etc.) De ce fait l’individu doit se conformer à l’esprit de son nom. Le non-initié acquiert alors de la sagesse et un comportement nouveau dont les valeurs sont admises par la société. L’initiation au do explique également le mécanisme de l’univers et le comportement qui doit en découler.
3.3. La renaissance et l’intégration de l’individu
L’initiation permet le passage de l’enfance à la maturité sociale. Le nouveau initié se dépouille de ses attitudes puériles, de sa vision infantile, en un mot abandonner son état de « nature » et d’intégrer la société humaine : c’est la renaissance.
Cette intégration se manifeste par l’acquisition de droits et devoirs envers la société. Ces droits sont entre autres : le commandement des plus jeunes, le droit au respect, le droit aux funérailles, le droit à la participation à la vie et à la gestion de la communauté. Ils ont également des devoirs pour être efficace dans l’exécution de leurs tâches : devoirs vis-à-vis de la classe d’âge, devoirs à l’endroit de l’ensemble de la communauté, devoirs de comportement individuel exemplaire, devoirs de transmission et de perpétuation de la tradition, devoirs du respect des principes religieux, etc.
L’initiation consacre en outre le jeune homme à do chez les bwaba. C’est ce que soutient Jean CAPRON « au niveau de do se place l’effort fait par la culture bwa pour se penser elle-même et s’ordonner ; tout part de do et tout revient à lui. »[2] Le do se trouve placé au cœur des activités bwa ; il rend fécond le labeur de l’homme en lui donnant des récoltes et des enfants. C’est ce qui explique l’utilisation de matériaux, végétaux naturels pour la confection du masque (écorces, lianes, feuilles). Symbole de la vie, le masque en feuille que porte l’initié est lié aux rites d’initiation et aux rites de purification annuelle. La sortie de ces masques en feuilles régule le cycle des saisons (sèche et pluvieuse) chez les bwa.
En somme s’initier c’est apprendre la vie pour la vie.
Dans la plupart des sociétés du Burkina Faso, les cérémonies cultuelles et rituelles jouent un rôle important. C’est le cas de l’initiation au do dans société bwa qui joue un rôle éducatif et intégrateur de l’individu dans sa société. C’est par elle, que l’individu se reconnaît mûr et apte à assumer des responsabilités au sein de la communauté. L’initiation confirme la différence entre les sexes, les âges, entre les fonctions et les statuts au sein de la société bwa. Grâce à l’initiation l’individu prend conscience de son appartenance à un groupe, à une société, car elle marque son existence en tant que Homme.
Cependant, on assiste de nos jours à une mise à l’épreuve des pratiques initiatiques par les religions révélées. Les initiations sont de moins en moins pratiquées, et voire si elles n’ont pas tout simplement disparues dans certaines régions bwa. Face à cette situation, ne serait-il pas impérieux de sauvegarder l’essentiel pendant qu’il est temps? C’est ce que suggère Nazi Boni : « il est à peine temps de lancer un dernier et pressant appel aux chercheurs afin qu’ils redoublent d’efforts dès maintenant, s’ils ne veulent pas laisser sombrer dans la nuit de l’ignorance, certains trésors culturels de notre vieux continent. Plus tard, ce serait peut-être trop tard ».[3]
Jacqueline DELANGE. – Arts et peuples d’Afrique noire : introduction à l’analyse des créations plastiques. – Paris : Gallimard, 1967.
Jean CAPRON. – Communautés villageoises bwa Mali- Haute-volta. – Paris : Louis Jean à cap, 1973.
Michel VOLTZ. – Le langage des masques chez les bwaba et les Gurunsi. – (sl), 1976.
Nazi BONI. – Crépuscule des temps anciens. –Paris : Présence Africaine, 1962.
Blegma DOMBA. – Les masques dans la société marka de Fobiri et ses environs– origines-culte-art. – Université de Ouagadougou, mémoire de maîtrise,1986.
Joseph Fioro BICABA. – Yumu ou la célébration de la vie ou de la mort chez les bwaba .mémoire ICAO, 1975.
Kirissi Mathias KONKOBO. – Le culte des masques et sa signification sociale dans le village de Gourou et sa région. – Université de Ouagadougou, mémoire de maîtrise, 1982.
Louis MILLOGO.- « Typologie et rôle des initiations dans les sociétés du Burkina Faso » (pp.135-154.) in Les grandes conférences du Ministère de la communication et de la culture, 1999.
Entretien le 23 juin 2008 avec monsieur BICABA Kani, Fonctionnaire de Police, âgé de 58 ans
http://www.culture.gouv.fr/ma/fr/bwa.html.
http://www.geocities.com/infomali/musee/boo.htm.
http://www.statutaire.gov.bf/textes/statautres.htm.
[1] Entretien réalisé avec M. Kani BICABA le 23/06/2008
[2] Jean CAPRON, op.cit.29
[3] Nazi BONI. –Crépuscule des temps anciens. – Présence Africaine, 1962, p.17
Bien dit et très instructif…
J’invite à s’en imprégner et à en part pour la richesse du patrimoine culturel africain..
Allah N’a qu’à faciliter
Je suis enfin content de découvrir un site qui parle de mon peuple ma communauté qui riche en culture et beaucoup d’autres choses. Merci au responsable de ce site et je reviendrais bientôt pour des questions …